mercredi 27 mars 2013

Oslo, bilan de la conférence sur l’impact des armes humanitaires

Par Jean-Marie Collin, expert indépendant et chargé de campagne pour l'AFCDRP/Maires pour la Paix.

Sans conteste, cette conférence intergouvernementale a été un succès et ouvre la voie à une nouvelle façon d’aborder la mise en œuvre d’un monde sans armes nucléaires.

La réussite tient d’abord dans la forme. En effet, la présence de 127 États (de tous les continents), de deux puissances nucléaires (Inde et Pakistan), de 24 des 28 membre de l’OTAN, qui est une alliance militaire nucléaire, et de plus de 30 pays africains, plus soumis aux problématiques des armes légères, montre à quel point ces pays ont décidé de s’emparer de ce sujet. D’autre part, normalement écartée voire considérée comme un trublion, la société civile a été pleinement intégrée au débat. Regroupée derrière la campagne ICAN (pour International Campaign to Abolish Nuclear Weapons) son expertise a été fortement sollicitée et appréciée par l’ensemble des États.

Sur le fond, les États auront eu durant deux jours complets une présentation des conséquences de l’impact humanitaire immédiat d'une détonation d'arme nucléaire, des conséquences larges (la notion d‘absence de frontière a été mise en avant) et à très long terme (hiver nucléaire) de cette catastrophe. La principale conclusion peut se résumer à la déclaration de Peter Maurer, Président du CICR : « Dans le cas des armes nucléaires, la prévention – notamment à travers l’élaboration d’un traité juridiquement contraignant visant à proscrire et à éliminer ces armes – représente la seule voie d’avenir possible. » En effet, aucun moyen de prévention des catastrophes ne pourra subvenir ou être prêt pour faire face à un tel cataclysme issu d’une guerre ou d’un accident nucléaire militaire.

On peut déplorer le fait que les 5 puissances nucléaires officielles n’étaient pas présentes. Celles-ci prétextant que cette conférence ne pouvait avoir lieu en dehors du cadre onusien, voire même qu’elle contrevenait au plan d’action décidé en 2010 (document final du TNP) d’un processus de désarmement étape par étape. Pour ainsi dire, le P5 voit dans la mise en place de cette conférence une menace au désarmement nucléaire….

Le pire est donc arrivé pour le P5, car cette conférence d’Oslo – pour le plus grand bonheur de la société civile- aura une suite. Le Mexique a en effet annoncé vouloir accueillir une telle conférence et prolonger ainsi les débats et réflexions, sans doute avant la fin de l’année 2013.

mercredi 13 mars 2013

Opinions : Mali... D’un conflit à l’autre

Par Michel CIBOT, délégué général de l’AFCDRP/Maires pour la Paix France.

La poussée de fièvre malienne ne devait pas s’envenimer… En principe ! Des incertitudes demeurent néanmoins et l’ONU devra s’interposer. Cette séquence de la vie internationale doit cependant nous enseigner que le recours à la guerre est toujours un échec, même si des maliens se réjouissent de la présence française. Bonne nouvelle : la guerre n’a pas empêché le bon déroulement d’un championnat de football.

Petit retour en arrière : dans La gloire du sabre, l’auteur, un député français de la fin du dix-neuvième siècle, début vingtième, Paul Vigné d’Octon (1859-1943), ancien médecin des armées coloniales, nous a expliqué comment un général « venait à bout » de dangereux villageois qui, en réalité étaient tout à fait paisibles… pour obtenir quoi ? La légion d’honneur… La lecture de ce document éclairera les réalités d’aujourd’hui. Que de temps passé pour en être toujours à la même misère !

Il faut mettre les voyous ultra-religieux et les racistes de tous acabits en déroute. Mais nous devons aussi garder à l’esprit que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, d’autres foyers de guerre couvent ailleurs et nous savons qui a « nourri » nos assaillants. Paul Quilès, ancien ministre de la défense, le rappelait récemment dans son blog. Nous savons également que la victoire ne sera pas définitive et qu’il faudra pour chaque conflit trouver des solutions adaptées… Syrie, Gaza, Centre-Afrique, Congo, Afghanistan … et n’oublions pas les tensions en Asie… Les Iles Senkaku ne sont que des confettis sur nos cartes de géographie, quand elles y paraissent. Mais là, nous n’avons pas à faire à des bandes plus ou moins armées, aussi déterminées soient-elles… Deux pays puissants, la Chine et le Japon se défient.

Personne ne veut la guerre mais partout les budgets militaires restent à des niveaux hors de raison, alors que l’argent public manque…

Les différends s’enracinent dans des rancœurs ancestrales à la limite de l’irrationnel. Il faudrait vite trouver les bons médiateurs pour travailler aux réconciliations toujours possibles… L’Allemagne et la France ont réussi un tel pari.

Un acte exemplaire de notre pays pour la paix serait une belle initiative mondiale. Le réseau Maires pour la Paix, présent dans 156 pays, a l’envergure nécessaire pour jouer un rôle positif. Un peu d’ambition ne nuit pas ! Surtout si la paix peut en résulter pour tous…

Les facteurs belligènes, essentiellement économiques restent trop forts - minerais, pétrole, eau, sans oublier les trafics d’armes et de drogue sur fond de toutes les misères. L’éducation à une vraie culture de la paix doit devenir une préoccupation de chaque jour. L’ONU et l’UNESCO nous donnent des outils. Que les collectivités locales s’en emparent, avec les citoyens, et nous réussirons à prévenir des conflits comme celui du Mali sans déployer des armes toujours redoutables et si coûteuses… Pour cela, nous devons ouvrir le débat de la culture de la paix et du désarmement nucléaire, pour une autre organisation et une autre gouvernance des institutions humaines.

lundi 11 mars 2013

Opinions : Oslo et les stratégies locales

Par Michel CIBOT, délégué général de l’AFCDRP/Maires pour la Paix France.

Les 4 et 5 mars derniers les représentants de 132 États se sont réunis à Oslo, invités par le gouvernement norvégien et 34 autres pays, pour examiner le problème posé au monde entier par les conséquences humanitaires des armes nucléaires. Plusieurs partenaires comme le Comité international de la Croix Rouge (CICR) et Maires pour la Paix, ont participé aux débats.

Le CICR a rappelé « qu’il est impossible d’adopter une position politique ou juridique éclairée au sujet des armes nucléaires sans avoir une parfaite compréhension des effets immédiats que ces armes ont sur les êtres humains et les infrastructures médicales, notamment. Il est également essentiel de comprendre leurs conséquences à long terme pour la santé humaine et le patrimoine génétique des survivants […] ».

Il faut se demander qui peut venir au secours des blessés quand 80 à 90 % des personnels médicaux ont trouvé la mort et que la radioactivité empêche les secours d’approcher sans risque.

Il est utile de souligner que ce sujet était abordé pour la première fois par les États. Cela doit nous encourager à promouvoir l’invitation faite à toutes les femmes et hommes politiques du monde, par les maires d’Hiroshima et de Nagasaki, de visiter une fois dans leur vie les deux villes détruites par des armes nucléaires.

Dans le même esprit, le CICR rappelle que les armes atomiques « sont uniques du fait de leur pouvoir de destruction, des souffrances humaines indicibles qu’elles causent, de l’impossibilité de maîtriser leurs effets dans l’espace ou le temps, des risques d’escalade qu’elles comportent et de la menace qu’elles constituent pour l’environnement, les générations futures et la survie même de l’humanité ».

Le CICR de conclure à la nécessité « d’un traité international juridiquement contraignant afin d’interdire et d’éliminer totalement ces armes ». Cela permettrait de réorienter des masses conséquentes de financements publics dont nous savons tous qu’ils manquent cruellement aux œuvres de vie. Les experts des Nations Unies ont démontré qu’un quart des dépenses militaires suffiraient à atteindre les objectifs du millénaire.

Des intentions à l’action