jeudi 17 décembre 2009

Rapport de la commission internationale pour la non-prolifération et le désarmement nucléaires (ICNND) - Réponse de la société civile

Nous avançons au ralenti. Il faut accélérer la mise en application



15 décembre 2009

La commission internationale sur la non-prolifération et le désarmement nucléaire (ICNND), une initiative conjointe des gouvernements australiens et japonais, a publié un rapport intitulé « Éliminer les menaces nucléaires ». Nous saluons les efforts tout au long de l’année écoulée des co-présidents, Gareth Evans et Yoriko Kawaguchi, ainsi que des autres membres de la commission. Malheureusement, en tant que membres de la société civile aspirant à l’abolition des armes nucléaires, nous devons dire que ce rapport est loin d’être à la hauteur de nos attentes. Le rythme du plan d’action pour le désarmement nucléaire exposé dans ce rapport est bien trop lent. Au lieu de participer à l’élan mondial en faveur de l’abolition des armes nucléaires, il existe un danger pour qu’en réalité il agisse comme un frein.

La commission a déclaré qu’elle souhaitait produire un rapport « réaliste », « orienté vers l’action ». Effectivement, le rapport contient de nombreuses recommandations pratiques et utiles. Nous en soutenons la plupart. Cependant, le critère selon lequel quelque chose est oui ou non jugé réaliste ne doit pas servir de prétexte à l’abandon de l’action ou à son report. Le fait que la majorité des peuples et des nations du monde veulent voir les armes nucléaires abolies rapidement est une autre « réalité ». Et la réalité la plus fondamentale est que chaque jour qui passe où les armes nucléaires continuent d’exister augmente le danger qu’elles soient utilisées avant qu’elles n’aient pu être abolies. C’est aussi un fait que la majorité des États membres des Nations Unies ont signé des Traités de zones exemptes d’armes nucléaires et ont exprimé leur soutien au lancement de négociations sur une Convention sur les armes nucléaires. Les 171 pays qui ont soutenu une résolution appelant à l’élimination des armes nucléaires, portée par des pays comprenant le Japon et l’Australie, et coparrainée par les États-Unis, ne veulent pas que les armes nucléaires soient maintenues de façon permanente, même à un niveau réduit.


Les gouvernements devraient prendre les recommandations du rapport au sérieux mais faire en sorte de les mettre en application bien avant le calendrier mentionné dans ce rapport.


Objectif zéro – Une convention sur les armes nucléaires maintenant




mardi 15 décembre 2009

Le désarmement nucléaire possible ?

Par Paul Quilès, maire de Cordes-sur-Ciel et ancien Ministre de la défense.
Cet article a été publié pour la première fois dans le quotidien l'Humanité daté du 31 octobre 2009, sous le titre "Il est regrettable que Nicolas Sarkozy oppose désarmement et lutte contre la prolifération".


La stratégie de dissuasion nucléaire n’apparaît plus aujourd’hui comme une réponse adaptée aux principaux risques auxquels font face les États qui la mettent en œuvre. Selon le Livre blanc, elle n’a pour objet que « d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux du pays ». On voit mal, dans la situation actuelle, d’où pourrait provenir cette agression.

De plus, un système international dans lequel quelques États nucléaires considéreraient qu’ils ont seuls le droit de détenir un armement supposé leur assurer une garantie absolue de sécurité ne serait pas viable à terme. Les États non nucléaires qui estimeraient que leurs intérêts fondamentaux de sécurité ne sont pas pris en compte dans ce système s’efforceraient alors d’avoir accès à la bombe. Après Israël, l’Inde, le Pakistan, la prolifération s’étendrait de manière irrésistible à l’Iran puis à d’autres pays.


Il y a donc nécessité de se libérer des dogmes de la dissuasion, pour s’orienter vers une politique de sécurité coopérative prenant en compte les intérêts légitimes de tous les États. Défense et désarmement doivent être considérés par les puissances nucléaires comme des instruments complémentaires pour la garantie de leur sécurité.

Les nouvelles orientations de la politique étrangère américaine peuvent aider à rétablir la confiance dans des processus de désarmement, vidés de leur contenu par l’équipe Bush. Déjà, les États‑Unis et la Russie se sont engagés à conclure un accord pour succéder au traité START de réduction des armements stratégiques[1]. Celui-ci aura surtout l’avantage de reposer sur un système de vérification, qui autorisera de nouveaux progrès vers une réduction contrôlée des armements. L’administration américaine s’est aussi fixé deux priorités : la ratification du traité d’interdiction complet des essais nucléaires et la négociation d’un traité d’arrêt de la production de matières fissiles à usage militaire. Un succès dans ces domaines créerait une véritable en faveur du désarmement nucléaire.

La lutte contre la prolifération ne sera cependant crédible et légitime que si elle s’accompagne d’un effort des puissances nucléaires pour « poursuivre de bonne foi des négociations » de désarmement nucléaire[2]. C’est ce caractère indissociable du désarmement et de la lutte contre la prolifération que vient de reconnaître le Conseil de sécurité de l’ONU[3].

Il est regrettable que N. Sarkozy ait, à cette occasion, semblé opposer désarmement et lutte contre la prolifération, laissant entendre que seule la seconde répondait à une urgence réelle. Une telle position ne peut qu’entretenir l’idée, chez beaucoup de dirigeants de pays émergents, que la France cherche avant tout à défendre un monopole[4], sans beaucoup de préoccupation pour les intérêts de sécurité légitimes des autres États.

Les progrès du désarmement nucléaire passent aussi par le développement des contrôles sur les matières fissiles. Les négociations doivent porter, dans un premier temps, sur l’arrêt de la production des matières fissiles militaires. À plus long terme, il faudrait aboutir à un contrôle international de la production de toutes les matières fissiles. On atteindrait ainsi trois objectifs : une garantie solide contre toute tentative de prolifération, une transparence complète des arsenaux nucléaires et une protection efficace contre le danger de terrorisme nucléaire.

Par ailleurs, si l’on veut persuader l’Inde, le Pakistan et Israël d’adhérer au Traité de non‑prolifération, il faut viser une réduction effective des arsenaux existants jusqu’au plus bas niveau possible, comme cela a commencé à être fait par les États‑Unis et la Russie.

Quant à la France, elle pourrait participer plus activement à ces efforts, en entrant dans un processus de négociation sur son armement nucléaire, sans se limiter à l’annonce de réduction du potentiel nucléaire français faite par N. Sarkozy en mars 2008[5]. Elle pourrait également interrompre totalement ou partiellement des programmes de modernisation des arsenaux existants[6], ce qui constituerait un pas décisif dans la voie du désarmement nucléaire.

Notes :
[1] Traité qui vient à expiration dans un mois.
[2] Comme le prévoit l’article 6 du Traité de non‑prolifération.
[3] Résolution 1887, adoptée le 24 septembre 2009.
[4] Il s’agit peut‑être aussi de justifier une position privilégiée de membre permanent du Conseil de sécurité.
[5] Réduction d’un tiers de la composante aéroportée, fixation d’un plafond de 300 unités pour les têtes nucléaires.
[6] La France pourrait par exemple interrompre son programme de missile stratégique M 51, qui apparaît plus comme un héritage de la guerre froide que comme un instrument de défense adapté.
Le blog officiel de Paul Quilès