Par Michel CIBOT, délégué général de l’AFCDRP, directeur général des services de la ville de Malakoff.
Préambule :
À partir des débats consacrés au développement durable, le texte ci-dessous, vise à susciter des interrogations sur les raisons d’être du tabou des armes nucléaires et du véritable déni de réalité qui l’entoure et bloque une approche transversale de ces questions. Il vise également à inviter les collectivités membres de l’AFCDRP à produire un travail collectif pour introduire ce débat dans les Agendas 21 qu’elles initient pour leur territoire ou auxquels elles participent au sein des communautés de communes ou d’agglomérations.
Ce débat est proposé aux collectivités territoriales membres de l’AFCDRP, représentant le réseau Maires pour la Paix en France.
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Le climat nous préoccupe. Où trouver les moyens d’éviter sa dégradation ? Quelles sont les relations entre les armes de destruction massive et le temps qu’il fera demain ? Regard sur les financements, les modes d’organisation et de gouvernance nécessaires à l’élaboration collective de réponses rationnelles aux défis mondiaux liés à ce pouvoir d’extermination totale qui fait partie de notre quotidien présent local et planétaire.
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L’essor de la notion de développement durable
1987 : La commission mondiale sur l’environnement et le développement, créée par l’Assemblée générale des Nations Unies, publie un rapport intitulé « Notre avenir à tous », aujourd’hui communément appelé « Rapport Brundtland », du nom de la présidente de ladite commission.
1992 : La désormais célèbre Conférence de Rio définit un cadre d’action pour un développement durable de la planète décliné selon 27 principes dont quatre sont consacrés à la paix.
1997 : Le Protocole de Kyôto sur les gaz à effet de serre et le réchauffement climatique est adopté. Il fixe des engagements diversifiés selon les États signataires.
2009 : Les États du monde réunis à Copenhague, du 7 au 18 décembre, tentent de donner, après le « Grenelle de l’environnement » français, une suite au Protocole de Kyôto car celui-ci arrive à échéance en 2012. Le résultat n’est pas encore à la hauteur des espoirs et des nécessités !
Vingt-deux années se sont écoulées depuis l’apparition de la notion de développement durable. Soyons optimistes… Vingt-deux ans, c’est bien peu ! On se souvient des débats sur le sens des mots « soutenable » et « durable » au début de ce processus. Elles masquaient des réticences profondes, aujourd’hui insignifiantes au regard des stratégies publiques et privées de développement durable. Caprices de pays riches, effets de mode, rêves d’idéalistes sympathiques… tout a été dit ! Maintenant le danger est à nos portes et personne ne conteste la nécessité de prendre en compte le développement durable à tous les niveaux, en particulier celui des directions d’entreprises privées ou d’institutions publiques chargées de porter les orientations globales des structures qu’ils pilotent. Les enjeux sont en effet de mieux en mieux perçus et de nombreuses politiques sont mises en place à travers des plans d’action, des évolutions des organisations et des gouvernances, des implications individuelles et collectives. Et il ne s’agit pas seulement de communication ou d’image de marque même si cet aspect reste présent !
Les médias donnent aux questions de réchauffement climatique du fait de l’activité humaine un retentissement sans précédent et de tous horizons. Les vocations écologistes se révèlent. Comme toujours, les nouveaux convertis sont parfois les plus impatients.
Il convient donc de prendre des mesures concrètes d’envergure pour éviter des catastrophes futures. Pour cela, il est impératif de trouver des moyens. Le pourquoi fait consensus. Le comment « demeure un vaste sujet d’interrogations tant la complexité de la transformation à mener est grande » comme l’écrit Hervé Lefèvre, Président de Kea & Partners. L’une des questions essentielles est là : quels moyens ? Celle des moyens financiers n’est pas des moindres…
Choisir la bonne échelle d’action et les priorités… S’entendre sur les causes…
Les actions préconisées concernent chacun de nous bien sûr, à travers nos consommations, nos produits, nos communications, nos déplacements, nos initiatives de reconstitution de la nature abîmée, notre démographie peut-être aussi et bien d’autres paramètres...
Nous devons assurément éviter les micro-gaspillages et les mini-pollutions provenant de la vie quotidienne mais il y a quelque chose de pathétique à montrer sur nos écrans de télévision le modeste foyer d’une femme indienne, visiblement très pauvre, où brûlent des brindilles de bois pour cuire le repas frugal de sa famille… « Elle produit du gaz carbonique » commente le journaliste... Cette stigmatisation des plus pauvres n’est certainement pas de bon augure !
Nous devons assurément éviter les micro-gaspillages et les mini-pollutions provenant de la vie quotidienne mais il y a quelque chose de pathétique à montrer sur nos écrans de télévision le modeste foyer d’une femme indienne, visiblement très pauvre, où brûlent des brindilles de bois pour cuire le repas frugal de sa famille… « Elle produit du gaz carbonique » commente le journaliste... Cette stigmatisation des plus pauvres n’est certainement pas de bon augure !
En revanche, la responsabilité collective des structures industrielles, des moyens de transport, de chauffage, de climatisation et des modes de distribution des pays les plus riches n’est plus à démontrer dans la production réellement massive de gaz à effet de serre et autres pollutions. Les experts sont très imaginatifs lorsqu’il s’agit de nommer les responsables. Les uns évoquent les « dérives du capitalisme » comme, par exemple, les délocalisations de production motivées par la recherche de moindres contraintes environnementales… D’autres incriminent sa nature même liant recherche de « facilités » financières, fiscales, sociales, salariales…
Quels moyens pour quelles solutions ?
Le Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesse (FAIR) formule des propositions encourageantes pour une « société de bien-être durable pour tous ». Ricardo Petrella plaide pour une « autre narration du monde ». Microcrédit, commerce équitable, économie sociale, intervention des citoyens dans des nouveaux modes de gestion participative… Autant de solutions susceptibles de «garder l’avenir ouvert ». Force est tout de même de constater qu’elles n’entament pas encore les lourds édifices qui régentent l’économie du monde et l’entraînent dans des crises latentes ou brutales. La crise actuelle en témoigne !
Outre les questions d’éthique et d’échelle de l’action, ces idées et suggestions ont besoin de moyens pour se métamorphoser en réalités nouvelles. Tous le monde s’accorde à dire que les process industriels et financiers doivent évoluer, se transformer en profondeur, de même que les formations dispensées dans nos écoles et nos universités pour rendre imaginables les solutions du futur, la rigidité des esprits d’aujourd’hui n’ayant pas permis d’éviter l’enlisement dont nous devons pourtant impérativement sortir.
Un champ d’investigation et d’action reste étrangement à l’écart : l’industrie militaire… Nous n’avons évidemment pas de remède miracle mais nous voulons souligner ici que, dans ce domaine, les Nations Unies mettent à la disposition des citoyens quantités d’informations chiffrées : il faudrait par exemple 100 milliards de dollars par an pour éradiquer la misère (y compris chez nous)… C'est-à-dire bien peu de chose au regard des 1 300 milliards de dépenses militaires annuelles, avec leur cortège de coûts humains, énergétiques, en matières premières et tous les dégâts directs ou collatéraux que nous connaissons. Malheureusement rares sont celles et ceux qui veulent ou osent poser les problèmes de lutte pour la préservation de l’environnement et du climat en ces termes. Pourquoi un tel déni de réalité ? La lecture des œuvres de Günther Anders pourrait aider à comprendre. Il a été traduit en français trop tardivement mais aujourd’hui l’essentiel de son œuvre est disponible !
L’une des clefs n’est-elle pas là ? Cette question des choix technologiques et financiers militaires est d’autant plus judicieuse qu’un traité ratifié par la majorité des États prévoit déjà l’élimination des arsenaux nucléaires et que, même dans notre économie de marché largement dominante, les industries militaires échappent le plus souvent aux lois du marché lui-même, aux règles de la concurrence en particulier, comme elles s’affranchissent évidemment des impératifs de protection de l’environnement, de préservation du climat et de transparence. Michel A. Bailly, chercheur associé au CEREM (Centre d’étude et de recherche de l’école militaire) a publié un texte paradoxal où il aborde à sa façon ces questions sous un titre évocateur : Néolibéralisme, militarisme et paix indésirable… En proposant ce débat, nous nous plaçons délibérément dans un cadre tout à fait légal mis à mal par son propre fonctionnement !
Des solutions de reconversion et de réduction des productions militaires nucléaires existent bel et bien, qui rendraient le monde plus sûr et plus juste. Le plus tristement ironique est sans doute qu’en diminuant ces dépenses-là de 100, voire 200 milliards de dollars par an, cela ne remettrait même pas en cause le pouvoir de quelques États de détruire plusieurs fois la vie sur notre planète… (et une fois suffit, chacun en conviendra… Des stratèges émérites n’ont-ils pas inventé cette notion « d’over killing » qui constitue un sommet de l’irrationnel !).
Les solutions raisonnables et réalistes de la reconversion des industries militaires et de la mise en œuvre des traités prévoyant d’ores et déjà l’élimination des armes nucléaires (le Traité de non-prolifération et les deux traités consacrés aux armes biologiques et bactériologiques) ne manqueraient pas d’ouvrir des perspectives enthousiasmantes pour la vie présente et future et cela ne serait pas sans conséquences tout aussi positives sur la forme des organisations en général et sur leurs modes de fonctionnement. Des prises de positions nouvelles nous confirment que cette analyse progresse dans les esprits…
Une idée qui fait son chemin…
Pendant de longues années, en particulier pendant la guerre froide, toute idée susceptible de sympathie avec le pacifisme était suspecte. Mais voilà que récemment plusieurs personnalités ont exprimé des positions témoignant d’évolutions remarquables par rapport aux armes nucléaires. Elles suggèrent tout simplement de mettre en œuvre le Traité de non-prolifération, notamment son article VI qui prévoit le désarmement nucléaire… Il s’agit notamment de Messieurs Juppé, Rocard, Richard, Quilès et du Général Norlain pour notre pays. En avril dernier, le président Obama s’était déjà inscrit dans cette démarche. Citons-le : « (...) en tant que puissance nucléaire -en tant qu'unique puissance nucléaire ayant eu recours à l'arme nucléaire-, les États-Unis ont la responsabilité morale d'agir. Nous ne pouvons réussir seuls dans cette entreprise, mais nous pouvons la conduire. Ainsi, aujourd'hui, j'affirme clairement et avec conviction l'engagement de l'Amérique à rechercher la paix et la sécurité dans un monde sans armes nucléaires ».
Le message est clair et réellement nouveau.
En Allemagne et en Grande-Bretagne, plusieurs membres des gouvernements Merkel et Brown plaident également pour l’abandon des armes nucléaires. Ces prises de position font suite à l’appel dit « Global Zéro » lancé il y a un an.
Plusieurs grandes religions d’Orient et d’Occident partagent des positions proches.
Nous pourrions nous étonner de tant de sollicitude pour l’application d’un texte adopté dès 1968 par ceux qui devraient déjà l’avoir appliqué… Mais nous devons d’abord nous réjouir, poursuivre et renforcer l’action car nous savons bien que sans l’expression forte et obstinée de l’aspiration des citoyens nous avancerons trop doucement ! L’idée fait son chemin, nous n’en demandions pas plus hier, quand nous n’étions pas entendus du tout !
Osons écouter toutes les bonnes volontés au plus grand profit des budgets de la solidarité, du développement durable et donc du climat de notre planète. Ce serait là un moyen parmi d’autres de redonner du sens à l’action publique, du contenu aux programmes politiques… et des forces aux économies pour avancer vers un véritable regain du sens des responsabilités. Ce serait un moyen de donner la parole aux citoyens.
Les collectivités territoriales ont un grand rôle à jouer si elles se saisissent de l’ensemble des problèmes posés…
Les collectivités locales sont le bon échelon pour construire de telles perspectives et les moyens proposés viendraient à point nommé les sortir de la crise actuelle… Elles doivent aussi le vouloir vraiment et s’organiser en conséquence… L’argent existe pour la satisfaction des besoins fondamentaux de tous les humains, dans le respect de leur environnement et des intérêts des générations futures à condition, et il s’agit d’un exemple, de mettre fin à la fabrication consciente et volontaire des outils de leur malheur que sont tout particulièrement les armes nucléaires dont l’existence même obscurcit l’avenir et pèse sur la vie quotidienne de tous dès à présent. Citons encore le président Obama : « L’absence d’espoir peut pourrir une société de l’intérieur » !
Le caractère local de l’action ne signifie pas qu’elle doive se cantonner à l’anecdotique. Elle doit embrasser le problème dans sa globalité. Il ne s’agit pas de penser globalement et d’agir localement mais bien les deux en même temps… Dialectiquement ! Le climat, les armes et nous… Tout cela forme bel et bien un ensemble absolument solidaire.
Le temps d’une véritable nouvelle dimension de l’action est sans doute venu. Les deux villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki ne nous ont-elles pas montré le chemin ? Voilà ce à quoi nous proposons de réfléchir ensemble.
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