Texte intégral de l'intervention de Michel Cibot, représentant de la ville de Malakoff (vice-présidente de Mayors for Peace) et délégué général de l'AFCDRP, lors de l'atelier "Le rôle des villes", organisé par Mayors for Peace dans le cadre de la conférence alternative des ONG à Riverside Church, New York, le 1er mai 2010.
Avant de commencer à parler du travail de ma ville, Malakoff, je veux dire quelques mots sur la situation que me rappellent les deux discours précédents.Parler après deux survivants des bombardements atomiques est pour moi très émouvant. J’ai visité Hiroshima pour la première fois en 1975 et je dois dire que cette visite a changé quelque chose dans ma vie. Je tenais à saluer ainsi tous les survivants.Il d’autant plus difficile de prendre la parole après eux que, comme vous le savez, la France est l’un des cinq pays officiellement détenteurs d’armes nucléaires. Cette particularité influence notre société en général, et nos villes en particulier... Toutes les villes sont concernées parce que l’arme nucléaire menace toute la terre, mais dans un pays possédant des armes nucléaires, l’influence est à coup sûr particulière.
Je ferai deux types de remarques :Au niveau national, l’arme nucléaire française a toujours été perçue comme un atout favorable à notre indépendance nationale face à l’URSS et aux USA. A ce titre, les partis politiques de droite ont toujours été fortement attachés à la force de dissuasion nucléaire et les partis de gauche partagés ! Il serait trop long d’expliquer les évolutions constatées au cours du temps…Je dirai seulement que ces clivages se retrouvent au niveau des assemblées locales sans que rien ne soit définitif. Nous le verrons.
Comme les bombes atomiques ne se voient pas, nous devons reconnaître qu’elles n’occupent pas le paysage et ne font pas peur aux citoyens au point de déclencher des réactions. L’euristique de la peur, son enseignement, ne fonctionne pas autant qu’il le faudrait….
Au niveau international…Ces armes et leurs vecteurs symbolisent plutôt une excellence technologique que certains nous envient. Elle donne des prétextes à des pays qui voudraient fabriquer de telles armes. Elles sont donc des prétextes à prolifération…
Quelles conséquences pour les citoyens ?En termes budgétaires et financiers, notre gouvernement doit gérer une contradiction. Il veut réduire les dépenses publiques et il est de plus en plus difficile de faire admettre aux citoyens qu’il faut fermer des hôpitaux publics et continuer d’entretenir des armes nucléaires ruineuses. Il le fait tout de même !
Les habitants de nos villes sont sensibles à cet aspect financier et cette sensibilité s’est renforcée avec la crise économique. Les cadeaux faits aux banques entrainent des interrogations des citoyens qui ne comprennent pas pourquoi il y a tant d’argent pour les banques et pour les armes et si peu pour le logement, l’emploi, la santé, l’éducation etc…
Les questions touchant à l’environnement et au développement durable sont également sensibles mais le lien avec les armes nucléaires n’est pas suffisamment perçu. Nous nous consacrons à mettre ce lien en évidence, mais les schémas de pensée qui président par exemple à l’élaboration des agendas 21 locaux (qui sont des plans d’action pour le développement durable et l’environnement) incluent rarement la question des armes nucléaires. Les consultants spécialisés ne maîtrisent pas les savoirs en matière d’armements nucléaires, donc ils n’en parlent pas dans leurs études, sauf exceptions...
Pour faire avancer la prise de conscience nous avons créé une structure spécifique. Elle porte le message de Mayors for Peace et des hibakushas. Il s’agit de l’AFCDRP (Association Française des Communes, Départements et Régions pour la Paix). La ville de Malakoff, dont je suis le Directeur général, a initié la création de l’AFCDRP avec l’Institut Hiroshima Nagasaki, une ONG locale. Le maire, Mme Margaté est aussi vice-présidente de Mayors for Peace.
L’AFCDRP propose aux villes membres d’annoncer publiquement leur engagement. Pour cela, nous avons les journaux locaux, les sites web mais également des panneaux placés à l’entrée des territoires. Nous proposons aussi aux villes d’adopter des programmes de travail pour contribuer à l’émergence d’une culture de la paix et, dans ces programmes, le désarmement nucléaire prend toute sa place. Pour l’information nous proposons des expositions, des formations, des conférences, des films, des livres.
Ces programmes, nous les appelons PLACP, Programmes locaux d’action pour une culture de la Paix. Nous proposons qu’ils soient adoptés par les assemblées élues de manière à leur donner une validation officielle et en faire des instruments de travail pour les services, et en particulier les services qui sont en contact avec les citoyens.
Nous souhaitons que ces questions prennent place dans l’activité professionnelle des services. Les PLACP sont destinés à devenir des outils du management local…
Je prendrai ma ville pour illustrer mon propos : Malakoff est une ville ou vivent beaucoup d’artistes. Depuis plus de trente ans nous faisons une exposition appelée "Artistes pour la paix". Quand l’ONU a fait de la journée du 21 septembre une journée internationale pour la paix, le conseil municipal a décidé de célébrer cette journée. Nous avons encouragé les associations à proposer des initiatives et maintenant nous avons chaque année un PLACP qui dure une ou deux semaines. Les associations organisent des concerts, des rencontres, des conférences, des expositions. La bibliothèque organise un évènement appelé "Lire en paix"qui permet de promouvoir des auteurs ayant écrit pour la paix ou permettant tout particulièrement d’y réfléchir. En 2010, nous proposerons à notre ville voisine, Paris, de soutenir la candidature d’Hiroshima aux jeux olympiques (Hiroshima avait soutenu la candidature de Paris). Une initiative est également prévue pour contribuer à la paix au Proche Orient.
Pour conclure,Je veux souligner que les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux bénéficient en France d’une image de marque très positive. Lorsque, par exemple, les maires prennent position, ils sont en principe bien écoutés. Les programmes d’action adoptés par les assemblées élues et mis en œuvre par les services sont donc efficaces.
Enfin, l’engagement des élus et des cadres des services est de nature à mobiliser des universitaires qui y trouvent matière à des colloques et des travaux intéressants pour eux et leurs étudiants.
Tout le travail évoqué ne se traduit pas automatiquement par une mobilisation permanente des citoyens et une difficulté demeure tout particulièrement dans la relation avec les médias. Si les journaux locaux sont très réactifs, il en va autrement au niveau national. Les chaines de télévision françaises consentent parfois à donner un peu d’information mais elles n’ont que très rarement pour objectif de mobiliser les citoyens en vue d’actions pour le désarmement. Cela dit, nous ne nous décourageons pas car, il a dix ans nous n’étions qu’une dizaine de villes à nous mobiliser et maintenant nous sommes plus de cent… Bientôt nous serons mille…
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